Un Fauve en liberté

Fauve, acrylique sur toile, 275 x 196, 2020

« Il faut commencer par entrer dans la mêlée, s’aventurer dans la brousse. »

Henri Matisse

Réalisée au cours de l’été 2020, et notamment lors de mes séjours à Figeac et Saint-Céré, cette toile est tout empreinte des réflexions de Pierre Bonnard dont je venais de lire les écrits. Surtout de cette idée que la peinture doit conserver un lien, si ténu soit-il, avec la représentation.

Ce Fauve est donc issu d’un travail sur la question de la représentation et des conditions sous lesquelles celle-ci peut devenir non figurative selon un processus d’abstraction entendu comme la ou les opérations capables de rendre une chose abstraite.

En l’espèce, la représentation de départ était empruntée à un projet d’une amie peintre, Anne-Marie Millot. Proposé au Musée des arts décoratifs en 1991, ce projet, intitulé L’œil du jaguar, revisitait un papier-peint “panoramique” de Jean-Julien Deltil, Vues du Brésil, réalisé en 1829-1830 sur commande de la Manufacture Zuber :

La couverture du catalogue de l’exposition affichait, quant à elle, l’un des quatre détails (entourés d’un cercle dans la reproduction ci-dessus) auxquels s’était attachée Anne-Marie Millot :

Sur cette base, le travail d’abstraction consista en la mise en œuvre de trois opérations très simples :

  • un agrandissement
  • un recadrage
  • une inversion

L’agrandissement visait à obtenir une “dilatation” de la figure qui, en acquérant une dimension monumentale, voyait ses détails grossir et, grâce à un effet-loupe, s’autonomiser.

Le recadrage a principalement consisté à prélever dans la figuration originale une portion éliminant la plupart des effets de bordure, lesquels permettent généralement à l’œil de discerner un contour ou, si l’on préfère, un effet silhouette.

L’inversion, enfin, est obtenue par une “peinture à l’envers” selon ce que l’on pourrait nommer, comme un coup de chapeau, l’effet-Baselitz. Le fait de peindre le référent à l’envers a pour résultat de le “démimétiser” : le cerveau ne parvenant plus à deviner la forme cesse de permettre à la main d’anticiper, obligeant à peindre ce que l’on voit et non ce que l’on se représente. Je notais à cette occasion que le fait que l’inversion concerne le passage de l’horizontal au vertical et non, comme chez Baselitz, du bas en haut renforçait le pouvoir “défigurant” du geste.