Année : 2021
Dimensions : chaque panneau fait 150 x 150
Technique : Acrylique sur toile
Extrait du Cahier toilé III :
« Si La Vivonne du matin au soir relève bien des “Dévotions”, elle mérite que l’on invente une nouvelle catégorie pour elle dans la mesure où, tout en faisant signe vers une œuvre existante, elle ne se contente pas de la revisiter selon la méthode du pliage mais retravaille l’œuvre référente selon une problématique particulière. Dans le cas de La Vivonne, je reviens sur la question de la variation telle que la met en jeu Monet dans ses Cathédrales de Rouen. Il appert, en effet, que dans ces tableaux, l’agent de la variation est le passage du temps (matin, midi, soir) et que ce travail ressortit donc à ce que, pour utiliser un terme d’époque, l’on pourrait nommer la “couleur locale”. Dans le cas de La Vivonne, il en va un peu autrement puisque l’agent de la variation est strictement pictural : le passage d’un bleu clair à un bleu foncé, à partir de quoi tout s’engendre par voie de conséquence.
Pratiquement, j’ai superposé les deux toiles et effectué les pliages des “nénuphars” aux mêmes endroits de telle sorte que les réserves de blanc (c’est-à-dire les zones de toile vierge emprisonnées dans les noeuds) sont strictement isotopes. Puis j’ai plié les deux toiles avant de les enduire “all over”, l’une d’acrylique bleu clair, l’autre de bleu foncé. Tout le travail a ensuite consisté à élaborer les deux toiles simultanément : les ayant disposées en regard, j’allais de l’une à l’autre pour multiplier les relations de telle manière qu’elles ont fini par se ressembler tout en conservant leur système propre. Ainsi aucune des toiles n’imite l’autre ; elles s’imitent mutuellement.
Cela me paraît une petite innovation dans la manière de traiter la variation en peinture et s’il y a donc bien quelque chose de l’ordre de la dévotion dans cette Vivonne du matin au soir, le travail ne saurait être réduit à un geste d’hommage. C’est pourquoi j’ai opté pour une appellation que j’emprunte à S. Kierkegaard : le Gjentagelsen qu’il convient de traduire par reprise et non, comme cela a été le cas dans certaines éditions françaises, par répétition. Il y a en effet dans le concept kierkegaardien de reprise l’idée d’une répétition sans doute mais d’une répétition où ce qui est repris est porté vers l’avant (par opposition au pur retour du même qu’emporte l’idée de répétition). Il ne s’agit pas d’une “Aufhebung” à la Hegel car il n’y va pas de “relever-surmonter” une contradiction mais seulement de faire avancer quelque chose en le reprenant pour le porter plus loin. Va pour “reprise” donc. »